Or que le grand flambeau qui redore les Cieux
Or que le grand flambeau qui redore les Cieux
Se plonge sous les eaux, s’opposant à nos yeux
Le ténébreux repli d’une courtine brune,
J’errerai par l’obscur dans l’épaisseur des bois,
Et redoublant le son de ma mourante voix,
Je me plaindrai au ciel de ma triste infortune.
Premier que l’Indien ait senti son retour,
Et que mon oeil déclos aperçoive le jour,
J’aurai fait mille plaints de mon cruel martyre,
Et pour juste témoin de mes aigres douleurs,
Je tordrai mes cheveux et ferai de mes pleurs
Accroître des Tritons l’impétueux empire…
Amour sous un plaisir m’a tramé mille maux,
Il m’a rendu captif, comme les animaux,
Au joug d’un désespoir, le désespoir me donne
La fureur, le regret, le dépit, le courroux,
La pâleur et la peur, qui me conduisent tous
Sous le fatal pouvoir de la Parque félonne.
De mille et mille traits il m’entrouvre le flanc,
Il se baigne cruel dedans mon tiède sang,
Il me suit en tous lieux amoindrissant ma force,
Jamais je ne le vois apparent à mes yeux,
Mais, hélas, je le sens dedans moi furieux,
Et mon corps ne lui sert que d’une vaine écorce…
Je cerne ces forêts de maints et maints circuits,
J’imprime mille pas sur ces sablons recuits,
Alors que de fureur ma pauvre âme est atteinte,
Pleurant, plaignant, criant, deçà delà je cours,
Les rochers et les bois et les fleuves sont sourds,
Et nul sinon Écho n’accompagne ma plainte…
Si par la sombre horreur de ces bois ténébreux,
Où ne percent les traits du soleil radieux,
J’invoque les Fureurs pour toute médecine,
Elles oyent mes cris et s’approchent de moi,
Mais cuidant me ranger sous leur fatale loi,
Leurs yeux sont aveuglés de sa splendeur divine…