Celle du jardin

Émile Verhaeren
par Émile Verhaeren
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Je vis l’Ange gardienne en tel jardin s’asseoir
Sous des nimbes de fleurs irradiantes
Et des vignes comme en voussoir ;
Auprès d’elle montaient des héliantes.

Ses doigts, dont les bagues humbles et frêles
Entouraient la minceur d’un cercle de corail,
Tenaient des couples de roses fidèles
Noués de laine et scellés d’un fermail,

Un calme, imprégné d’or, tressait
Un air filigrané d’aurore,
Autour de son front pur, qui s’enfonçait
Moitié dans l’ombre encore.

Elle portait son voile et ses sandales,
Tissés de lin, mais sur les bords,
En rinceaux clairs, les trois vertus théologales
Etaient peintes, avec des coeurs feuillagés d’ors.

Ses cheveux lents se répandaient soyeux
De l’épaule jusqu’aux gazons de mousse ;
Le silence déclos dans l’enfance des yeux
Etait plus doux qu’aucune parole n’est douce.

Toute l’âme tendue
Et les deux bras et le désir hagard
Je me levais vers l’âme suspendue
En son regard !

Ses yeux étaient si clairs de souvenir,
Ils m’avouaient des jours vécus semblables ;
Oh, l’autrefois se muerait-il en avenir
Dans les tombes inviolables ?

C’était certes quelqu’une ayant quitté la vie
Qui m’apportait miracle et réconfort
Et le viatique de sa survie
Tutélaire, par à travers sa mort.

Émile Verhaeren

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