Les complaintes

Émile Verhaeren
par Émile Verhaeren
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Les complaintes qu’on va chantant par la grand’route
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute,
Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir,
A l’heure où vont mourir les tons et les lumières.
Le village, s’endort : la cloche des saluts
Tinte minablement et tinte ; et les chaumières
Qu’on ferme, et les volets et leurs airs vermoulus
Poussent des cris souffrants, comme des voix humaines.
Parfois, dans les vergers, un très doux meuglement
S’entend au loin et réveille un écho. Les plaines
Se remplissent de nuit et de tressaillement.
Personne. A l’horizon, rien que la solitude
Et des nuages lents qui voyagent par tas.
Et dans cet infini d’ombre et de lassitude
Et dans cette douleur des campagnes, làbas,
Les complaintes qu’on va chantant par la grand’route,
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute,
Meurent, en cette fin de dimanche et de soir.

Les soirs

Émile Verhaeren

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