La vedette
Admirez la vedette !
Sous les feux de la rampe,
avec maîtrise elle campe
le personnage. C’est fête !
Oui, c’est fête de l’entendre,
et c’est plaisir des yeux.
Et l’on peut bien comprendre
qu’elle ait tant d’amoureux.
Amoureux de sa voix.
ravis de sa présence,
hommes et femmes à la fois
éprouvent la même transe.
Mais plaignez la vedette
car au coeur de la fête
elle tremble et elle craint
de n’être un jour… plus rien !
A ces idées, qu’elle chasse,
tout son être frémit
et, mauvaise, elle se dit :
Je n’donnerai pas ma place !
Je n’donnerai pas ma place !
Je m’y accrocherai.
Si mon talent s’efface,
en place je resterai !
Pour l’heure, faiseurs d’affaires
et poètes, et pauvres hères
se disputent son talent.
C’est très réconfortant.
Derrière son visage d’ange,
elle rumine comme sans fin
et entre-temps se venge
car dur fut son chemin.
Chère sera ma rançon.
Je n’oublie pas, oh non,
qu’on me fit paillasson
de tant de mecs, de cons !
Qu’on me fit quémander
et mordre la poussière
et qu’on me fit suer
lorsqu’il ne fallait guère !
Eux viendront quémander
dans les couloirs d’artistes.
Attendre, les ferai,
de longues heures tristes.
Les mauvais et les bons
mettrai dans le même sac
et ferai un micmac
de leurs propositions.
(Car dur fut mon chemin…)
Faites place ! Qu’on se range !
Et qu’on ne me dérange !
Revenez voir demain ?
Admirez la vedette !
Sous les feux de la rampe…
1978