J’ay tant vescu, chetif, en ma langueur
J’ay tant vescu, chetif, en ma langueur,
Qu’or j’ay veu rompre, et suis encor en vie.
Mon esperance avant mes yeulx ravie,
Contre l’escueil de sa fiere rigueur.
Que m’a servy de tant d’ans la longueur ?
Elle n’est pas de ma peine assouvie :
Elle s’en rit, et n’a point d’aultre envie
Que de tenir mon mal en sa vigueur.
Doncques j’auray, mal’heureux en aymant,
Tousjours un coeur, tousjours nouveau torment,
Je me sens bien que j’en suis hors d’alaine,
Prest à laisser la vie soubs le faix :
Qu’y feroit on, sinon ce que je fais ?
Piqué du mal, je m’obstine en ma peine.
Recueil : Vingt neuf sonnetz