Ô bois qui du soleil accusez l’impuissance
Ô bois qui du soleil accusez l’impuissance,
Recevant de ses traits la chaude violence
Sans en être percé,
Que n’aije comme vous fortifié mon âme
Pour recevoir les coups du bel oeil qui m’enflamme
Sans en être offensé !
Que n’aije comme vous une écorce sauvage
Insensible aux douleurs, comme vous à l’outrage
Des hivers ravissants !
Mais ô dieux ! suisje pas de matière insensible,
De ne point consommer en l’ardeur invisible
Des brasiers que je sens ?
Ô bois, hôte sacré des dieux et du silence,
Souffrez que je soupire ici la violence
D’une fière rigueur,
Bien qu’on n’allège pas par les cris un martyre,
C’est toujours un bonheur quand la bouche peut dire
Ce que souffre le coeur.
Ah ! je vois bien déjà vos oiseaux qui s’assemblent
Pour plaindre mes malheurs, mais hélas qu’ils me semblent
Heureux en cette loi !
Ils éteignent leur feu dès l’heure qu’il s’allume,
Et l’amour n’eut jamais pour eux tant d’amertume
Comme il en a pour moi.
La fortune et l’amour s’accordent pour leur plaire,
Mais si l’une me nuit, l’autre est mon adversaire,
Et jure mon trépas,
Et la beauté qui m’est aux yeux si désirable
De ma vive douleur croit n’être point coupable
Pour ne l’avouer pas.
Son oeil qui m’a vaincu néglige sa victoire,
S’il voit mon déplaisir il feint ne le pas croire,
Et s’en rit dans le coeur,
Et disant que je suis blessé par innocence,
Il me fait en un coup admirer sa prudence
Et maudir’ sa rigueur.
Que je serais heureux si la belle farouche
Qui m’a causé mon mal me disait de sa bouche :
‘ Viens mourir devant moi ! ‘
Je lui ferais paraître en mourant d’allégresse
Que quand on ne saurait vivre pour sa maîtresse,
Il faut mourir pour soi.