À Éléonore (III)

Évariste de Parny
par Évariste de Parny
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Ah ! si jamais on aima sur la terre,
Si d’un mortel on vit les dieux jaloux,
C’est dans le temps où, crédule et sincère,
J’étais heureux, et l’étais avec vous.
Ce doux lien n’avait point de modèle :
Moins tendrement le frère aime sa sœur,
Le jeune époux son épouse nouvelle,
L’ami sensible un ami de son cœur.
Ô toi, qui fus ma maîtresse fidèle,
Tu ne l’es plus ! Voilà donc ces amours
Que ta promesse éternisait d’avance !
Ils sont passés ; déjà ton inconstance
En tristes nuits a changé mes beaux jours.
N’est-ce pas moi de qui l’heureuse adresse
Aux voluptés instruisit ta jeunesse ?
Pour le donner, ton cœur est-il à toi ?
De ses soupirs le premier fut pour moi,
Et je reçus ta première promesse.
Tu me disais : « Le devoir et l’honneur
Ne veulent point que je sois votre amante.
N’espérez rien ; si je donnais mon cœur,
Vous tromperiez ma jeunesse imprudente
On me l’a dit, votre sexe est trompeur. »
Ainsi parlait ta sagesse craintive ;
Et cependant tu ne me fuyais pas ;
Et cependant une rougeur plus vive
Embellissait tes modestes appas ;
Et cependant tu prononçais sans cesse
Le mot d’amour qui causait ton effroi ;
Et dans ma main la tienne avec mollesse
Venait tomber pour demander ma foi.
Je la donnais, je te la donne encore.
J’en fais serment au seul dieu que j’adore,
Au dieu chéri par toi-même adoré ;
De tes erreurs j’ai causé la première ;
De mes erreurs tu seras la dernière.
Et si jamais ton amant égaré
Pouvait changer, s’il voyait sur la terre
D’autre bonheur que celui de te plaire,
Ah ! puisse alors le ciel, pour me punir,
De tes faveurs m’ôter le souvenir !

Bientôt après, dans ta paisible couche
Par le plaisir conduit furtivement,
J’ai malgré toi recueilli de ta bouche
Ce premier cri si doux pour un amant !
Tu combattais, timide Eléonore ;
Mais le combat fut bientôt terminé :
Ton cœur ainsi te l’avait ordonné.

Ta main pourtant me refusait encore
Ce que ton cœur m’avait déjà donné.
Tu sais alors combien je fus coupable !
Tu sais comment j’étonnai ta pudeur !
Avec quels soins au terme du bonheur
Je conduisis ton ignorance aimable !
Tu souriais, tu pleurais à la fois ;
Tu m’arrêtais dans mon impatience ;
Tu me nommais, tu gardais le silence :
Dans les baisers mourut ta faible voix.
Rappelle-toi nos heureuses folies.
Tu médisais en tombant dans mes bras :
Aimons toujours, aimons jusqu’au trépas.
Tu le disais ! je t’aime, et tu m’oublies.

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