À ta santé
À ta santé
J’ai mis mon dictionnaire en perce,
Pour trinquer avec Saint John Perse.
Ce vin trop jeune est encore vert;
En voulez vous monsieur Prévert ?
Première cuvée du dictionnaire
Un peu d’alcool Apollinaire ?
J’en étais sûr monsieur Verlaine,
Verte la petite verveine.
De l’eau monsieur De La Fontaine ?
Encore un verre monsieur Rimbaud ?
Une bonne gorgée de voyelle
Pour l’ami Jules Supervielle.
Pour vous mon dictionnaire gémit,
Un remontant pour Neruda
À l’heure ou soufrait le Chili
Et coulait le sang de Jara.
Dans un petit tast-mot
Trois gouttes de Francis Carco,
Une bolée de Guillevic,
À ta santé Victor Hugo.
Partager avec Aragon
Le pétillant de ses chansons
Et mourir avec Lorca
D’une overdose de vodka.
J’ai retrouvé dans mon Littré
La corde qui pendit Villon,
Et dans une porte vitrée
Le reflet d’André Breton.
À ta santé mon vieux Robert,
Desnos, qui porte ton prénom,
Fourbi ma plume de travers
Qui ne sait plus signer mon nom.
Ces bacchanales libation
Où s’entrechoquent mes vers
Laissent mon âme en perdition
Dans les replis des dictionnaires.