La prosopopée (substantif féminin), du grec πρόσωπον prosôpon (face, figure) et ποιέω poiéô (faire, fabriquer) est une figure de style qui consiste à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction. Elle est proche de la personnification, du portrait et de l’éthopée. En rhétorique, lorsqu’elle fait intervenir l’auteur, qui semble introduire les paroles de l’être fictif, on la nomme la sermocination.
Définition
Définition linguistique
Le terme de prosopopée est l’équivalent exact de celui de personnification, en grec, néanmoins, en stylistique française, l’opposition entre les deux figures existe. Dans la prosopopée, le locuteur donne la parole au personnage fictif, qui peut même interagir avec l’émetteur ou le narrateur, alors que la personnification ne fait qu’attribuer des sentiments ou des comportements humains à des êtres inanimés ou à des abstractions. Duclos dans ses Œuvres la définit ainsi : « Quand on anime les choses, et qu’on les regarde comme des personnes par une figure qu’on appelle prosopopée, on y peut employer les termes qui conviennent aux personnes. »
La figure est également, stricto sensu, à distinguer de l’éthopée, ou portrait moral d’un être, en cela qu’elle concerne la représentation physique alors que l’éthopée donne à voir une personne dans ses qualités morales et comportementales.
Pour Patrick Bacry, la prosopopée est en réalité le stade ultime de la personnification. Il en fait une variante de l’allégorie fondée sur le discours direct. L’auteur s’arrête alors de décrire ou de raconter, ouvre les guillemets et donne la parole à son personnage fictif. Son utilisation est donc à distinguer des dialogues donnés aux personnages du récit, inventés ou historiques, mais animés dans ce sens qu’ils ne sont ni morts, ni abstraits, ni mythologiques. Cependant, la frontière entre prosopopée et personnages romanesques est ténue : certains genres font de morts ou de divinités des dramatis personnae, des actants sans pour autant produire de prosopopée (cas du fantastique par exemple).
Genres concernés
En philosophie
La philosophie a parfois fait usage de prosopopées afin d’illustrer un problème philosophique. Ainsi, dans le Criton de Platon, afin d’expliquer pourquoi il refuse de s’évader de prison, Socrate motive son refus en imaginant que les Lois de la Cité lui apparaissent, et qu’elles lui parlent (« Socrate, est-ce là ce qui était convenu entre nous et toi ? […] Après que tu as été mis au monde, nourri, élevé par nous, pourrais-tu prétendre que tu n’étais pas à nous, issu de nous, toi-même et tes ascendants ? … »).
En littérature
La prosopopée est une figure fréquente de rédaction des textes juridiques (lois, constitutions) d’inspiration démocratique. La Constitution américaine de 1787 commence par la formule : « Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d’établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d’Amérique. », faisant ainsi parler, d’une seule voix, le peuple américain libéré du joug britannique. La loi fondamentale allemande de 1949 commence elle par la formule : « « Conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes, animé de la volonté de servir la paix du monde en qualité de membre égal en droits dans une Europe unie, le peuple allemand s’est donné la présente Loi fondamentale en vertu de son pouvoir constituant. Les Allemands dans les Länder de Bade-Wurtemberg, Bavière, Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Hesse, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie du Nord/Westphalie, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe, ont parachevé l’unité et la liberté de l’Allemagne par une libre autodétermination. La présente Loi fondamentale vaut ainsi pour le peuple allemand tout entier. », sur le même modèle. La Constitution française de 1958, enfin, établit que « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004. ».
Les genres oratoires de l’Antiquité sont extrêmement pourvus de prosopopée. Ainsi on peut citer les exemples du Criton de Platon qui fait parler les Lois grecques, la première Catilinaire de Cicéron qui donne voix à la Patrie latine. Les premières prosopopées antiques faisaient parler les dieux et les Muses. Parménide dans son Poème, Homère dans L’Iliade ou encore Hésiode dans sa Théogonie, qui est une longue prosopopée d’une muse.