Ce fils de paysan…
Ce fils de paysan qui était bachelier,
Nous avons suivi son convoi le long des lierres.
Le Dimanche il quittait la petite ville
et il allait déjeuner avec sa famille.
… L’après-midi, me disait-il, j’y lis Virgile.
En pensant à cela mon cœur s’enfle et se tord
— et je sens dans l’azur comme un parfum de mort.
… Oui, tu lisais Virgile, ami. Car l’on t’avait
appris le latin dans un triste et pieux collège.
Ton père aux mains de terre, ta mère aux mains de chanvre,
étaient joyeux de voir dans ta petite chambre
les dessins qui faisaient de toi un bon élève.
Et, pendant qu’il faisait soleil ou de la neige,
pendant que se pliaient les blés aux tiges bleues,
à cause de leur fils ils étaient bien joyeux.
Des mots compliqués n’avaient pas gâté ton âme.
Tu étais pareil à la modestie du village
lorsque les cheminées fument aux pieds de Dieu
et que s’arrêtent, en tournant le cou, les bœufs.
Virgile, c’est pour moi, ami, ce que tu fus :
quelque dimanche soir — si triste — où une flûte
de coudrier chantait comme une pluie de nuit…
Une ruche. Un mouton. Un laurier-tin et puis
une tombe où, respectueux, on jette du buis.
1897