Confucius rendait les honneurs…
À Christian Cherfils.
Confucius rendait les honneurs qui leur conviennent
aux morts, dans l’Empire bleu du Milieu.
Il souriait parce que l’eau éteint le feu
comme la Vie éteint l’homme vers l’époque moyenne.
Il n’ornait pas ses paroles merveilleusement
comme certaines coupes des Grands de l’Empire.
La tanche, qui est comme un vase de Pagode riche,
n’a pas besoin d’être ornée artistiquement.
Il allait avec une grande modestie au Palais,
écoutant sans colère les joueurs de flûte
qui adoucissent les sentiments comme la lune
adoucit, sur la montagne brûlée, les arbres violets.
Il parlait avec une respectueuse cérémonie
aux principaux de la ville et au chef de la guerre.
Il était bon, sans familiarité vulgaire,
avec les gens du commun et mangeait leur riz.
Il se plaisait aux choses de la Musique,
mais préférait les instruments de simple roseau
cueilli près des marais de vase douce et jaune
où l’oiseau sans nom qui fait yu-yu se niche.
Il se permettait, pour le bien de son estomac, les épices.
Il aimait, vers le soir, à discuter de belles sentences,
et il aurait voulu qu’on suspendît aux potences
qui servent aux lanternes, des moraleries.
Il parlait peu d’amour, davantage de la mort,
quoiqu’il déclarât que l’homme ne peut la connaître.
Il aimait voir les jeunes gens à la fenêtre,
les trouvant bien, à demi cachés par les ricins gris mais rouges.
Le soir il allumait des baguettes de parfum,
puis tournait gravement un moulinet où les prières
s’enlaçaient comme de belles pensées dans la cervelle
d’un jurisconsulte ou d’un poète de talent.
Il allait aussi voir les bâtiments de la Province,
se réjouissant de leur propreté et du bon ton
des navigateurs policés dont les réflexions
étaient profondes et claires comme le désert marin.
À ceux lui demandant des choses sur la chair,
Confucius dit : la vôtre est pareille à l’autre
et la mienne à la vôtre ; le sens de ceci est clair.
Puis il regarda en souriant son cercueil.
1895.