Il y a par là…
Il y a par là un vieux château triste et gris
comme mon cœur, où quand il tombe de la pluie
dans la cour abandonnée des pavots plient
sous l’eau lourde qui les effeuille et les pourrit.
Autrefois, sans doute, la grille était ouverte,
et dans la maison les vieux courbés se chauffaient
auprès d’un paravent à la bordure verte
où il y avait les quatre saisons coloriées.
On annonçait les Percival, les Demonville
qui arrivaient, dans leurs voitures, de la ville.
Et dans le vieux salon soudain plein de gaîté,
les vieux se présentaient leurs civilités.
Puis les enfants allaient jouer à cache-cache
ou bien chercher des œufs. Puis dans les froides chambres
ils revenaient voir les grands portraits aux yeux blancs,
ou, sur la cheminée, de drôles coquillages.
Et pendant ce temps les vieux parents se parlaient
de quelque petit-fils au portrait peint à l’huile,
disant : il était mort des fièvres typhoïdes,
au collège. Que son uniforme lui allait !
La mère qui vivait encore se souvenait
de ce cher fils mort presque au moment des vacances,
à l’époque où les feuilles épaisses se balancent
dans les grandes chaleurs auprès des ruisseaux frais.
Pauvre enfant ! — disait-elle — il aimait tant sa mère,
il évitait toujours de faire de la peine.
Et elle pleurait encore en se rappelant
ce pauvre fils très simple et bon, mort à seize ans.
Maintenant la mère est morte aussi. Que c’est triste.
C’est triste comme mon cœur par ce jour de pluie,
et comme cette grille où les pavots roses plient
sous l’eau de pluie lourde qui luit et qui les pourrit.