Je parle de Dieu…
Je parle de Dieu — mais pourtant
est-ce que j’y crois ? — À cinq ans
on me disait : tiens un croquant…
Va le manger avec Marie
aux vêpres. Sois bien sage et prie
le bon Dieu, la vierge Marie.
— Puis c’était la procession
que la bonne et moi nous suivions,
et de belles fleurs en coton
dans des vases de loterie.
Les petites filles fleuries
jetaient en l’air des fleurs jolies.
Je levais la tête pour voir
le curé, le grand ostensoir
qui luisait sur le reposoir.
Et on chantait : ô bonne vierge !
Ô lis sans tache ! Fleur des berges !
— Et l’on voyait briller des cierges.
Et l’on jetait encor des fleurs,
et l’on chantait : prenez mon cœur,
notre Dame des sept douleurs !
Le curé était magnifique
levant les bras pour les cantiques.
Et j’entendais dans ces cantiques :
tu-u-us… tu uus…
Ritus…. … uum
Us… .. tuus.
Et l’on jetait encor des roses.
Les femmes pleuraient presque à cause
de ces si belles, belles choses.
Je voyais le petit Jésus
à Noël, dans la crèche, nu.
L’âne regardait par-dessus.
Et maman disait : les rois mages
portent la myrrhe, les images
au petit Jésus qui est sage.
Et je croyais que Dieu était
un vieux tout blanc qui vous donnait
toujours ce qu’on lui demandait.
Ça m’est bien égal, ceux qui disent
qu’il existe ou non — car l’église
du village était douce et grise.
1888.