Tu écrivais…
Tu écrivais que tu chassais des ramiers
dans les bois de la Goyave,
et le médecin qui te soignait écrivait,
peu avant ta mort, sur ta vie grave.
Il vit, disait-il, en Caraïbe, dans ses bois.
Tu es le père de mon père.
Ta vieille correspondance est dans mon tiroir
et ta vie a été amère.
Tu partis d’Orthez comme docteur-médecin,
pour faire fortune là-bas.
On recevait de tes lettres par un marin,
par le capitaine Folat.
Tu fus ruiné par les tremblements de terre
dans ce pays où l’on buvait
l’eau de pluie des cuves, lourde, malsaine, amère…
Et tout cela, tu l’écrivais.
Et tu avais acheté une pharmacie.
Tu écrivais : « La Métropole
n’en a pas de pareille. » Et tu disais : « Ma vie
m’a rendu comme un vrai créole. »
Tu es enterré, là-bas, je crois, à la Goyave.
Et moi j’écris où tu es né :
ta vieille correspondance est très triste et grave.
Elle est dans ma commode, à clef.
1889.