À Mademoiselle Annette Baudrit
Je suis ton vieux parent et je sais ton histoire ;
Je te vis naître, Annette, et je te vis grandir.
Te voilà mariée, et l’on va te cueillir,
Rose qui parfumas longtemps la forge noire.
Je connais ton cœur droit, ta bonté, ta douceur,
Et tu devines bien ce que pour toi j’espère ;
Car je n’ai pas d’ami plus tendre que ton père,
Chère Annette, et ton nom est le nom de ma sœur.
Je sais que la souffrance a mûri ta jeune âme ;
Et, dans cette maison dont tu quittes le seuil,
Naguère je t’ai vue, en noirs habits de deuil,
Encore enfant, remplir le rôle d’une femme.
Tu comprends, n’est-ce pas ! pourquoi j’ai rappelé,
Annette, en cet instant joyeux, cette heure amère
Où, te voyant t’asseoir où s’asseyait ta mère,
Souriait en pleurant ton père désolé.
Dès ce jour, tu conçus ce qu’était la famille,
Fille de forgerons et de vieux artisans ;
Le devoir pénétra dans ton cœur de quinze ans ;
— Et l’épouse, vois-tu, vaudra la jeune fille.
Laisse ton vieux cousin dont le cœur s’attendrit
Dire au jeune homme heureux qui t’a conduite au temple
Qu’un siècle de travail, d’honneur, de bon exemple,
Sont la dot, la noblesse et l’orgueil des Baudrit,
Et qu’auprès du foyer que votre hymen allume
— Doux instinct des oiseaux qui construisent leurs nids ! —
Il faut que vos deux cœurs soient à jamais unis
Comme deux fers soudés au marteau, sur l’enclume.