Au Roi Henri Le Grand (I)
FRAGMENTS
D’UNE ODE AU ROI HENRI LE GRAND.
1596.
Soit que, de tes lauriers la grandeur poursuivant,
D’un cœur où l’ire juste et la gloire commande
Tu passes comme un foudre en la terre flamande,
D’Espagnols abattus la campagne pavant ;
Soit qu’en sa dernière tête
L’hydre civile t’arrête ;
Roi, que je verrai jouir
De l’empire de la terre,
Laisse le soin de la guerre.
Et pense à te réjouir.
Nombre tous les succès où ta fatale main,
Sous l’appui du bon droit aux batailles conduite,
De tes peuples mutins la malice a détruite
Par un heur éloigné de tout penser humain ;
Jamais tu n’as vu journée
De si douce destinée ;
Non celle où tu rencontras
Sur la Dordogne en désordre
L’orgueil à qui tu fis mordre
La poussière de Coutras.
Cazaux, ce grand Titan qui se moquait des cieux,
A vu par le trépas son audace arrêtée ;
Et sa rage infidèle, aux étoiles montée,
Du plaisir de sa chute a fait rire nos yeux.
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Ce dos chargé de pourpre et rayé de clinquants
A dépouillé sa gloire au milieu de la fange,
Les Dieux qu’il ignorait ayant fait cet échange
Pour venger en un jour ses crimes de cinq ans.
La mer en cette furie
À peine a sauvé Dorie ;
Et le funeste remords
Que fait la peur des supplices
A laissé tous ses complices
Plus morts que s’ils étaient morts.