Chanson (II)
Est-ce à jamais, folle Espérance,
Que tes infidèles appas
Empêcheront la délivrance
Que me propose le trépas ?
La raison veut, et la nature,
Qu’après le mal vienne le bien :
Mais en ma funeste aventure
Leurs règles ne servent de rien.
C’est fait de moi, quoi que je fasse.
J’ai beau plaindre et beau soupirer,
Le seul remède en ma disgrâce,
C’est qu’il n’en faut point espérer.
Une résistance mortelle
Ne m’empêche point son retour ;
Quelque Dieu qui brûle pour elle
Fait cette injure à mon amour.
Ainsi trompé de mon attente,
Je me consume vainement ;
Et les remèdes que je tente
Demeurent sans événement.
Toute nuit enfin se termine ;
La mienne seule a ce destin,
Que d’autant plus qu’elle chemine,
Moins elle approche du matin.
Adieu donc, importune peste
À qui j’ai trop donné de foi.
Le meilleur avis qui me reste,
C’est de me séparer de toi.
Sors de mon âme, et t’en va suivre
Ceux qui désirent de guérir.
Plus tu me conseilles de vivre,
Plus je me résous de mourir.