Jour de lessive
Je suis parti ce matin même,
Encor soûl de la nuit mais pris
Comme d’écœurement suprême,
Crachant mes adieux à Paris…
Et me voilà, ma bonne femme,
Oui, foutu comme quatre sous…
Mon linge est sale aussi mon âme…
Me voilà chez nous !
Ma pauvre mère est en lessive…
Maman, Maman,
Maman, ton mauvais gâs arrive
Au bon moment !…
Voici ce linge où goutta maintes
Et maintes fois un vin amer,
Où des garces aux lèvres peintes
Ont torché leurs bouches d’enfer…
Et voici mon âme, plus grise
Des mêmes souillures – hélas !
Que le plastron de ma chemise
Gris, rose et lilas…
Au fond du cuvier, où l’on sème,
Parmi l’eau, la cendre du four,
Que tout mon linge de bohème
Repose durant tout un jour…
Et qu’enfin mon âme, pareille
A ce déballage attristant,
Parmi ton âme – à bonne vieille !
Repose un instant…
Tout comme le linge confie
Sa honte à la douceur de l’eau,
Quand je t’aurai conté ma vie
Malheureuse d’affreux salaud,
Ainsi qu’on rince à la fontaine
Le linge au sortir du cuvier,
Mère, arrose mon âme en peine
D’un peu de pitié !
Et, lorsque tu viendras étendre
Le linge d’iris parfumé,
Tout blanc parmi la blancheur tendre
De la haie où fleurit le Mai,
Je veux voir mon âme, encor pure
En dépit de son long sommeil
Dans la douleur et dans l’ordure,
Revivre au Soleil !…
Gaston Couté