Jean-Baptiste Décolle
Le
Corps :
Que suis-je, où est ma vie ?
Et quel acier résonne
Lointain, qui m’a tranché comme un fût de colonne
Où vont se durcissant des mirages bourbeux ?
Mes bras cherchent en vain la clarté de mes yeux.
Désir, anime-toi d’une si forte veille
Que je parle sans bouche, écoute sans oreille !
Je n’ai plus que des mains pour prendre un ciel d’été
Et le donner à boire au cœur qui m’est resté.
Si je fus une torche, oh, ma flamme est partie.
Si je fus une vigne, oh, ma grappe est cueillie.
Je fais un rêve en suie et deviens un château
Dont la foudre a fauché la tour et les oiseaux ;
J’erre sur la pâleur des dernières vigiles
Comme un sable étouffant une sableuse ville.
La
Tête :
Vas-tu te taire à la fin,
Bavard de la carotide,
Tu distrais le goût du vin
Qui fuit ma langue rigide.
J’ai trois syllabes encor
Au fond d’un tympan discord
Et je serre la mâchoire
Sur un chiffon de mémoire
Où fondent flûte et raison.
Moi, tête de venaison
Sur le plateau de bombance,
D’un œil mi-clos et brumeux
J’épie encore la danse
D’une fille au ventre heureux.
J’attends pour fermer ma bouche
Qui sait déjà plaire aux mouches
Ce baiser d’ombre et de sang
Que je n’ai pas eu vivant.
Norge