Paysages de ville

Georges Rodenbach
par Georges Rodenbach
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Quelques vieilles cités déclinantes et seules,
De qui les clochers sont de moroses aïeules,
Ont tout autour une ceinture de remparts.
Ceinture de tristesse et de monotonie,
Ceinture de fossés taris, d’herbe jaunie
Où sonnent des clairons comme pour des départs,
Vibrations de cuivre incessamment décrues ;
Tandis qu’au loin, sur les talus, quelques recrues
Vont et viennent dans la même ombre au battement
Monotone d’un seul tambour mélancolique…
Remparts désormais nuls ! citadelle qui ment !
Glacis démantelés, (ah ! ce nom symbolique !)
Car c’est vraiment glacé, c’est vraiment glacial
Ces manoeuvres sur les glacis des villes vieilles,
Au rythme d’un tambour à peine martial
Et qui semble une ruche où meurent les abeilles !

Le dimanche est toujours tel que dans notre enfance
Un jour vide, un jour triste, un jour pâle, un jour nu ;
Un jour long comme un jour de jeûne et d’abstinence
Où l’on s’ennuie ; où l’on se semble revenu
D’un beau voyage en un pays de gaîté verte,
Encore dérouté dans sa maison rouverte
Et se cherchant de chambre en chambre tout le jour…
Or le dimanche est ce premier jour de retour !

Un jour où le silence, en neige immense, tombe ;
Un jour comme anémique, un jour comme orphelin,
Ayant l’air d’une plaine avec un seul moulin
Géométriquement en croix comme une tombe.
Il se remontre à moi tel qu’il s’étiolait
Naguère, ô jour pensif qui pour mes yeux d’enfance
Apparaissait sous la forme d’une nuance
Je le voyais d’un pâle et triste violet,
Le violet du demideuil et des évêques,
Le violet des chasubles du temps pascal.
Dimanches d’autrefois ! Ennui dominical
Où les cloches, tintant comme pour des obsèques,
Propageaient dans notre âme une peur de mourir.

Or toujours le dimanche est comme aux jours d’enfance :
Un étang sans limite, où l’on voit dépérir
Des nuages parmi des moires de silence ;
Dimanche : une tristesse, un émoi sans raison…
Impression d’un blanc bouquet mélancolique
Qui meurt ; impression tristement angélique
D’une petite soeur malade en la maison…

Georges Rodenbach

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