Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure

Georges Rodenbach
par Georges Rodenbach
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Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure,
Tout brodés, restent blancs, d’ un blanc mat qui figure
Un printemps blanc parmi l’hiver de la maison.
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison

Pareilles dans le soir à ces palmes de givre
Que sur les carreaux froids les nuits d’hiver font vivre.
Et dans ces floraisons de guipure on croit voir
Tous les souvenirs blancs parmi le présent noir :

Ce sont les rideaux clairs du berceau ; c’est la bonne
Aïeule aux cheveux blancs en bandeaux de madone ;
Ce sont les grands jardins d’enfance où les pommiers
Etaient poudrés ; ce sont les cierges coutumiers

Et les nappes d’autel pour les communiantes ;
C’est l’hostie aux lys purs de leurs lèvres priantes ;
Puis c’est le clair de lune épars comme du lait
Dans la forêt magique où l’art nous appelait

Parmi sa gloire et ses blancheurs éternisées !
Puis la guirlande en fleur au front des épousées
Dont l’espoir doux se fane irréparablement
Parmi cette blancheur vaporeuse qui ment.

Car le leurre est rapide en cette ombre équivoque,
Et tous les autres blancs du passé qu’on évoque
Vont se faner avec les souvenirs d’amour
Quand descendra dans les rideaux la mort du jour.

Le règne du silence

Georges Rodenbach

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