Si tristes les vieux quais bordés d’acacias
Si tristes les vieux quais bordés d’acacias !
Pourtant, toi qui passais, tu les apprécias
Ces vieux quais où tel beau cygne de l’eau changeante
Entre parfois dans une âme qui s’en argente.
Si tristes les vieux quais, les eaux pleines d’adieux,
Inertes comme les bandeaux silencieux
D’une morte ! les eaux sur qui pleure une cloche,
Les immobiles eaux sur qui le carillon
Égoutte ses sons froids comme d’un goupillon.
Et plus tristes les quais lorsque l’hiver approche !
En mai, quand le ciel rit, on s’était essayé
À mettre de la joie aux vitres des demeures,
Tendant de rideaux blancs le passage des heures
Et des roses afin que l’air fût égayé,
Petit luxe, audehors, de l’aisance des chambres…
Mais quand l’hiver revient, quand cinglent les décembres,
Les acacias nus, filigranés en noir,
Portent le deuil de la saison ; le vent disperse
Leurs feuilles comme des oiseaux parmi l’averse ;
L’eau du canal se gerce et se gèle miroir
Las de mirer toujours d’identiques façades !
Maintenant les vieux quais sont déserts et maussades ;
Et, dans les logis clos, les rideaux s’échancrant
Laissent voir, en la chambre et derrière l’écran,
Quelques vieillards sans joie autour d’une lumière
Qui végète sur le réchaud de la théière…
Lumière survivante en ces hivers du nord ;
Faible lueur, clarté triste qui les ressemble ;
On dirait un chétif feu de cierge qui tremble,
Et qu’en chaque maison muette, on veille un mort !
Le règne du silence