Ode sur la Légion d’Honneur
À L’ÉTOILE DE LA LÉGION D’HONNEUR.
Imitée de L. Byron.
I.
Toi qui répandis tant de gloire
Sur les vivants et sur les morts,
Phare éclatant de la victoire,
Qui longtemps brûlas sur nos bords,
Aux feux de ta vive lumière,
L’homme se rendait immortel !
Pourquoi retomber sur la terre
Quand ton séjour était le ciel ?
II.
Des héros morts les nobles âmes
Formaient ta céleste clarté ;
Au sein de tes rayons de flammes
Étincelait l’éternité :
Fatal à l’orgueil des royaumes,
Ton météore audacieux,
Aux regards effrayés des hommes,
Parut comme un volcan des cieux !
III.
Le sang que tu faisais répandre
Aux jours terribles des combats,
Roulait sur la funèbre cendre
Des cités que tu dévoras :
Partout où surgit ta lumière,
Le sol en ses flancs palpita,
Le soleil quitta l’hémisphère,
Et longtemps la foudre éclata.
IV.
Messager de ta course ardente,
Un arc-en-ciel te précédait ;
Toujours son écharpe éclatante
De trois couleurs se composait :
Elles n’ont point été ternies
Par l’Envie au souffle empesté ;
Car elles brillaient réunies,
Sous la main de la Liberté.
V.
La première était empruntée
À l’éclat des célestes feux ;
Une autre à la lune argentée ;
La troisième à l’azur des cieux :
Nobles couleurs !… céleste emblème !…
Qui souvent aux yeux des mortels
Paraît, comme un songe qu’on aime,
Et qui vient des lieux éternels !
VI.
Astre pur ! étoile des braves !
Tu tombas au jour des revers ;
Et bientôt des peuples esclaves,
La chaîne enceindra l’univers ;
Car, depuis ta chute profonde,
Notre vie est un poids impur,
Et le destin promis au monde,
Pâlit dans un lointain obscur.
VII.
La liberté, loin des esclaves,
S’assied sur de nobles tombeaux ;
Le trépas est grand pour les braves
Qui succombent sous ses drapeaux.
Liberté ! dans nos jours moins sombres,
Puissions-nous voir briller la loi…
Ou rejoindre les nobles ombres
Des guerriers qui sont morts pour toi !