La robe
Vous portez une robe grise,
M’a dit Suzanne l’autre jour ;
Or, vous aurai-je bien comprise ?
Ça veut-il dire qu’elle est grise,
Qu’elle est toute grise d’amour ?
Qu’elle est grise comme la mine
De mes lettres dont le contour
S’éveille sous la plombagine
Qui trace en gris, pour Valentine,
Sur le papier mes vers d’amour ?
Car cette robe si charmante,
À moins que, par un gueux de tour,
Ma mémoire ici ne me mente,
De nœuds de couleur s’agrémente,
Comme tous mes billets d’amour.
Je sais que, fière et délicate,
Comme une Reine pour sa cour,
La femme très femme, et très… chatte,
Ne peut remuer une patte
Sans quelque intention d’amour.
L’intention ne se dérobe,
Dans son capricieux détour,
Qu’aux sots, peu nombreux sur le globe :
Ma poésie et votre robe
Sont toutes deux grises d’amour.