La rose sans épines
Sur nos rochers se cache un doux trésor,
Qu’ailleurs en vain cherchent les hommes ;
Plus haut en prix que l’argent et que l’or
Il ne se vend pas pour des sommes.
Est-ce une mine, un puits à découvrir
De diamants, de perles fines ?
Non ! le soleil le voit croître et fleurir,
C’est une rose sans épines.
Fleur de beauté ! qui peut fuir ton attrait,
Qui peut résister à tes charmes ?
Mais on te cueille,… alors vient le regret,
L’extase s’éteint dans les larmes.
Un dard secret, habile à se cacher,
Arme les fleurs les plus divines ;
Sur nos monts seuls on peut venir chercher,
Chercher la rose sans épines !
Le jeune cœur ne demande qu’amour,
Son front rougit comme la rose ;
Déjà, pourtant, l’épine a vu le jour
Avant que la fleur fût éclose.
Bonheur secret que réclament nos vœux !
Les douleurs vous sont près voisines,
Car l’air du ciel fait seul dans les hauts lieux
Fleurir la rose sans épines.
Ne l’ôtez pas du sol de ces hauteurs
Pour la transplanter dans les plaines ;
Là-bas l’épine, aussi bien qu’à ses sœurs,
Viendrait bientôt tromper vos peines,
Ou languissant, la fleur mourrait enfin
Sur le mol terrain des collines !
C’est seulement au penchant du ravin
Que vit la rose sans épines.
Que je voudrais, maître de mon destin,
Sur les grands monts choisir ma rose ;
Là je viendrais m’établir un matin
Sans nul souci pour autre chose ;
Je dresserais ma tente près du ciel,
Au vent des haleines divines,
Et je vivrais de parfums et de miel
Près de ma rose sans épines !