Bussy, nostre Printemps s’en va presque expiré
Ode
Bussy, nostre Printemps s’en va presque expiré,
Il est temps de joüyr du repos asseuré,
Où l’âge nous convie.
Fuyons donc ces grandeurs qu’incensez nous suivons
Et sans penser plus loin joüissons de la vie
Tandis que nous l’avons.
Donnons quelque relasche à nos travaux passez,
Ta valeur et mes vers ont eu du nom assez
Dans le siecle où nous sommes,
Il faut aimer nostre aise et pour vivre contens
Acquerir par raison ce qu’enfin tous les hommes
Acquierent par le temps.
Que te sert de chercher les tempestes de Mars,
Pour mourir tout en vie au milieu des hazards
Où la gloire te meine ?
Cette mort qui promet un si digne loyer
N’est tousjours que la mort qu’avecque moins de peine
L’on trouve en son foyer.
Que sert à ces galants ce pompeux appareil
Dont ils vont dans la lice ébloüyr le Soleil
Des tresors du pactole ?
La gloire qui les suit après tant de travaux
Se passe en moindre temps que la poudre qui vole
Du pié de leurs chevaux.
A quoy sert d’élever ces murs audacieux
Qui de nos vanitez font voir jusques aux Cieux
Les folles entreprises ?
Maints chasteaux accablez dessous leur propre faix
Enterrent avecque eux les noms et les devises
De ceux qui les ont faits.
Employons mieux le temps qui nous est limité,
Quittons ce fol espoir par qui la vanité
Nous en fait tant accroire :
Qu’Amour soit désormais la fin de nos desirs,
Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire,
Et pour nous les plaisirs.
Heureux qui depoüillé de toutes passions
Aux lois de son païs regle ses actions
Exemptes d’artifice :
Et qui libre du soin qui t’est trop familier,
Aimeroit mieux mourir dans les bras d’Artenice
Que devant Montpelier.