Les Bergeries – Lucidas
Et moi seul resteraije en proie à la tristesse ?
Passeraije sans fruit la fleur de ma jeunesse ?
Que me servent ces biens dont en toute saison
Le voisin envieux voit combler ma maison ?
Que me sert que mes blés soient l’honneur des campagnes ?
Que les vins à ruisseaux me coulent des montagnes ?
Ni que me sert de voir les meilleurs ménagers
Admirer mes jardins, mes parcs et mes vergers,
Où les arbres plantés d’une égale distance
Ne périssent jamais que dessous l’abondance ?
Ce n’est point en cela qu’est le contentement,
Tout se change ici bas de moment en moment,
Qui le pense trouver aux richesses du monde
Bâtit dessus le sable, ou grave dessus l’onde,
Ce n’est qu’un peu de vent que l’heur du genre humain,
Ce qu’on est aujourd’hui l’on ne l’est pas demain,
Rien n’est stable qu’au Ciel, le temps et la fortune
Règnent absolument audessous de la lune.