À La princesse Jablonowska
Belle Jablonowska, de mon champêtre ouvrage
Daignez d’un doux sourire favoriser l’hommage.
La campagne inspira mes chants ;
Là sont unis l’agréable et l’utile ;
Vos agréments sont faits pour enchanter la ville,
Mais vos goûts purs vous ramènent aux champs.
Je ne puis vous offrir des sceptres, des couronnes,
Des temples fastueux, de superbes colonnes ;
Mais les divinités, d’un regard complaisant,
Daignent sourire au plus simple présent :
Ainsi la vive Amadryade,
Ou la Nymphe des bois, ou la jeune Oréade,
Chez la pieuse antiquité,
Dans un temple entouré d’une pompeuse arcade,
Ou d’une riche colonnade,
Par les grands et les rois voyait son nom fêté ;
Puis rentrait dans son arbre, et sous son frais ombrage,
Oubliant et son temple et les palais du ciel,
Se contentait de l’humble hommage
De quelque fleur ou d’un rayon de miel.
Peut-être un jour m’élançant sur vos traces,
Dans mon essor audacieux
Je chanterai vos vertus et vos grâces,
L’antique sang de vos aïeux,
Cette noble fierté qui n’a rien de farouche,
Qu’aucun titre n’enorgueillit ;
Ces entretiens charmants dont la grâce nous touche,
Et la bonté qui s’embellit
En s’exprimant par votre bouche.
Alors de mon succès je ne douterai plus ;
Votre nom, du public me vaudra le suffrage ;
Avec plaisir mes vers seront reçus,
Et le sujet consacrera l’ouvrage.
Avec bonté, dit-on, mes poèmes sont lus
Par votre aimable et vertueuse fille ;
Pour moi c’est un titre de plus :
L’indulgence chez vous est un goût de famille ;
Même l’on dit que ses heureux essais
Daignent de mes tableaux copier quelques traits ;
Si ses vers sont polis, doux, élégants comme elle,
Alors grâce à sa main noblement infidèle,
Les miens me sembleront parfaits ;
Alors, dans mes Jardins et plus verts et plus frais,
Pour couronner mon front je choisis l’immortelle.
Dans ses Jardins, où plus d’un connaisseur
Goûta la grâce naturelle
De la muse pleine d’appas
Qui prit la mienne pour modèle,
Les yeux ne rencontreront pas
Une fleur aussi fraîche, aussi charmante qu’elle.
À polir mes tableaux j’ai passé bien des ans ;
Mais la grâce n’est pas un ouvrage du temps :
Son maintien élégant, sa forme enchanteresse
Appartiennent à la jeunesse.
Souvent l’été flétrit les filles du printemps ;
Sur ce rosier que de ses pleurs arrose
La jeune amante de Titon,
Voyez ce tendre rejeton
Montrer la fleur nouvellement éclose
De son modeste et timide bouton :
Du plus brillant émail sa robe se colore,
En célestes parfums son souffle s’évapore,
Du coloris le plus éblouissant
Son teint varié se compose,
Le papillon léger lui-même s’y repose,
L’abeille y prend ses sucs, le zéphyr caressant
D’un murmure flatteur la courtise en passant,
Et le bouton fait envie à la rose :
Voilà mon sort ; mon vers ( c’est cette vieille tige )
Perd chaque jour de son prestige ;
L’aimable fleur qui l’embellit,
C’est le talent de votre fille,
Où la sagesse à l’agrément s’unit ;
Par lui mon vers se rajeunit,
Et de ce frais bouton où la jeunesse brille,
Le vieux rosier s’enorgueillit.