Avec l’esprit
Cette vie devra compter avec moi, car le jour de ma naissance un esprit s’était révolté, et quand se déchira la chair où j’étais emprisonné, cet esprit me violenta dans l’horreur de tout ce sang, où je me débattais, en proie à l’insurrection brutale d’une incarnation attendue depuis des siècles, et que je revendiquais.
Et cet esprit, en me rejetant, déclencha je ne sais quelle titanesque et fulgurante vibration, et je fus pour toujours aveuglé.
Et parce que je suis né dans la révolte et dans la violence, je n’ai jamais habité la totalité de la chair, ni ce monde, ni rien qui soit de ce monde.
Mon visage est maculé de sang.
Je suis un homme sans commune mesure avec ceux-là même qui se disent des hommes, et mon pouvoir n’est pas leur pouvoir.
Je me trouve sans cesse dans la transition, éternellement à même la vie et parmi les morts, et je touche en même temps la lumière.
J’ai vécu dans la solitude, et je n’ai rencontré que de rares et puissants fantômes. Certains sont lumineux et m’aident à traverser ce désert. Les autres sont couverts de sang comme je suis couvert de sang.
Mais parce que je n’ai pas trahi, une conjuration s’opère.
Parce que j’ai vécu cette douleur et que j’ai vaincu l’esprit qui préméditait ma mort, une puissance illimitée m’est donnée, se déclenche, m’illumine et prolifère en moi.