Trois poèmes en prose
I
Qui suis-je moi qui ai prémédité la grandeur et de me
tenir au centre du déluge. Deux hivers ont passé
dans cette solitude et la douleur n’a pas cessé de
battre dans mes tempes. J’ai fait le difficile apprentissage
de la mort et de la solitude, impuissant à tracer le cercle
des visions. Ni tétragrammaton, Adanoï, ni le dieu intérieur,
ni le mal, ni Satan ne pouvaient me secourir. Le pentagramme
était brisé. Entre le ciel et l’enfer, il n’y avait plus de limite,
et je suis tombé comme dans les rêves de la hauteur
vertigineuse du délire.
II
Je n’avais plus d’idéal, mâchefer et charbon. tourbillons
de fumée, excréments des jours. Je brûlais au hasard
tout mon passé dans l’âtre sordide de cette maison
où j’usais la vie. Le temps passait. J’apercevais quelquefois
un vol de corbeaux, et le vent hurlait sous le vieux toit branlant.
Je ne songeais plus à devenir poète, ni même à guérir d’un mal
atroce et sanglant. Je restais affaissé, les yeux vides et sans
pensée. J’étais mort et que m’importait d’avoir inscrit ma
révolte sur des blocs innombrables.
III
Je n’avais plus d’espoir, ni de raison, je blasphémais,
et le temps passait toujours avide de m’enfourner
dans son linceul. Je pressentais sa menace, et je hurlais
parfois le nom d’un homme qui l’avait défié.
Mais je me souvenais d’une clameur qui me
déchirait, et mes balbutiements me remplissaient de
honte. Plutôt me taire que l’imiter si mal. La peur
m’envahissait.