Des choses et des gens qu’on rencontre en se promenant loin
Contre le mur d’un cimetière
Un enfant pisse tellement clair
Qu’on croirait dans la lumière
Qu’une source jaillit de terre
Et lui rentre dans le corps
Un peu plus loin dans une clairière
Entourée d’un grand mur de pierre
Une reine-mère sur une civière
Aperçoit au fond d’une mare
Le cadavre d’un roi-fils mort
Et dont la main se crispe encore
Sur le pied d’un vase de verre rose
Où se mire un ver de vase vert
Plus loin encore sur le jet d’eau
D’un pitoyable tir forain
Un veuf tournoie blême et lunaire
Avec une couronne dans les mains
Plus loin encore beaucoup plus loin
Dans la cave d’un presbytère
Un prélat enfermé dans une lessiveuse
Par sa gouvernante jalouse et très sévère
La menace vainement des peines de l’enfer
Plus loin plus loin encore et même beaucoup plus
haut
Du haut des tours de
Notre-Dame
Un grand chien échappé d’un triste ratodrome
Regarde au loin un vélodrame
Où des héros de mélodrome
Se coupent la gorge derrière moto
Pour les bijoux de
Buckingham
Et prennent leur virage sur une échelle de corde
Plus loin encore toujours plus loin
Par une nuit très noire un marchand de vanille
Perdu au beau milieu de la
Mer de
Glace
Agite en sanglotant une lanterne sourde
Et plein d’un décevant et délirant mirage
Voit soudain sa famille dans les glaces de la mer
Sa femme ses enfants le chien et puis l’armoire
Et la table servie pour le repas du soir
Comme il se précipite pour prendre sa serviette
Il glisse et tout s’éteint la lanterne et le reste
Un gros paquet de mer lui fracasse la tête
Aléa aléa aléa jacta est
Plus loin toujours encore et toujours beaucoup plus
loin
Dans le déprimant paysage d’un misérable terrain
vague
Debout dans la pénombre sur un vieil escabeau
Un boiteux chauve et nu tristement fait le beau
Et six petits chats gris au cœur gros
Tournent en rond autour de lui
Miaulant un désolant refrain
Les chats les plus désespérés sont les chats du pied-bot.