Fête à mennecy

Jacques Prévert
par Jacques Prévert
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À
Paris autrefois, c’est-à-dire il y a seulement quelque temps les fêtes foraines avaient droit de cité.

La fête ça existait.
La musique de carton des manèges à vapeur vous appelait de très loin, et la rumeur heureuse des tours de chevaux de bois et des tours de cochons mêlée au rugissement des lions de chez
Pezon, c’était beau, tendre et violent et comme toute fête un petit peu triste en même temps.

Les gens allaient à la fête comme ils allaient au bois, au muguet, à
Luna-Park ou à
Robinson.

Aujourd’hui, on dirait que les fêtes, c’est seulement les fantômes des fêtes d’autrefois.

Et puis il y avait les fêtes « rituelles », les fêtes des autres âges.

Au mardi-gras, à la mi-carême défilaient des chars, des rêves de reines, des rois de cirque, des déguisés, enrubannés de serpentins et bombardés de confetti.

Aujourd’hui le peuple ne fait plus la fête comme avant, il n’a plus la place, il n’a plus le temps… il ne fait plus la fête mais les savants font la
Bombe.

Aujourd’hui, c’est la foire roulante, les feux follets rouges, les feux follets verts, les clignotants.

C’est le grand
Pardon de saint
Parking, l’exode hebdomadaire, et défilent seulement les déesses, les jaguars, les idées, les deux chevaux : en s’engueulant.

Les mots les plus grossiers, les gens bien élevés les ont piqués au peuple et en font un bien pauvre usage.

Pourtant, un peu partout, de temps en temps, de joyeux drilles font encore la fête.

C’est pourquoi à deux coups d’aile de
Paris, vous pouvez voir « comme si vous y étiez » ou en garder le souvenir, comme si vous y étiez allés, le carnaval de
Men-necy: une petite ville aux volets fermés.

Sur la neige à peine balayée l’homme invisible, tcharlie chapline, et une femme du monde de « la belle époque» s’en vont retrouver leurs amis.

Mennecy en
Seine-et-Oise.

Pays trop près, pays trop loin, c’est un dit-on des environs.

30 kilomètres, trop près pour faire un vrai voyage et loin, trop loin pour y aller souvent.

À
Mennecy une fois l’an, les carnavaliers se réunissent, se déguisent, se maquillent et en avant la musique.

L’unique char c’est un tracteur, un bœuf gras déguisé en robot.

Parfois dans la petite foule, sur la grand’place, des voix regrettent l’ardeur, l’intensité des fêtes du passé.

Mais chaque année, cette fête recommence, elle est comme elle est, les joyeux drilles de
Mennecy se refusent à demander l’aide de la municipalité.

Ils chantent, ils boivent le coup, ils font la quête, ils dressent une croix et cette croix, quand la nuit tombe tout à fait, ils la font flamber.

Et tous dansent autour de ce tout petit feu de joie.

Carnaval de
Mennecy

fête d’aujourd’hui et d’autrefois.

Jacques Prévert

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