L’enfant de mon vivant
Dans la plus fastueuse des misères
mon père ma mère
apprirent à vivre à cet enfant
à vivre comme on rêve et jusqu’à ce que mort s’ensuive
naturellement
Sa voix de rares pleurs et de rires fréquents
sa voix me parle encore
sa voix mourante et gaie
intacte et saccagée
Je ne puis le garder je ne puis le chasser
ce gentil revenant
Comment donner le coup de grâce
à ce camarade charmant
qui me regarde dans la glace
et de loin me fait des grimaces
pour me faire marrer
drôlement
et qui m’apprit à faire l’amour
maladroitement
éperdument
L’enfant de mon vivant
sa voix de pluie et de beau temps
chante toujours son chant lunaire ensoleillé
son chant vulgaire envié et méprisé
son chant terre à terre
étoile
Non
je ne serai jamais leur homme
puisque leur homme est un roseau pensant
non jamais je ne deviendrai cette plante
Carnivore qui tue son dieu et le dévore et vous invite à déjeuner et puis si vous refusez vous accuse de manger du curé
Et j’écoute en souriant l’enfant de mon vivant
l’enfant heureux aimé
et je le vois danser
danser avec ma fille
avant de s’en aller
là où il doit aller.