L’opéra des girafes
Comme les girafes sont muettes, la chanson reste enfermée dans leur tête.
C’est en regardant très attentivement les girafes dans les yeux qu’on peut voir si elles chantent faux ou si elles chantent vrai.
PREMIER TABLEAU
CHŒUR DES GIRAFES (Refrain)
Il y avait une fois des girafes Il y avait beaucoup de girafes. Bientôt il n’y en aura plus C’est monsieur l’homme qui les tue. (Couplet)
Les grandes girafes sont muettes Les petites girafes sont rares.
Sur la place de la Muette
J’ai vu un vieux vieillard .
Avec beaucoup de poil dessus.
Le poil c’était son pardessus
Mais par-dessus son pardessus
n était tout à fait barbu.
Par-dessus le poil de girafe
Barbe dessus en poil de vieillard.
Elles sont muettes les grandes girafes
Mais les petites girafes sont rares.
DEUXIÈME TABLEAU
Le vieux vieillard de la chanson traverse la place en faisant des moulinets avec sa canne.
LE VIEUX VIEILLARD (Il chante)
Une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais mon pardessus fera bien cet hiver. Une hirondelle…
Soudain un autre vieillard vient à sa rencontre et, comme il connaît le premier et que le premier le connaît également, ils s’arrêtent en face l’un de l’autre, enlèvent leur chapeau de dessus leur tête, le remettent, toussent un peu et se demandent comment ça va, répondent que ça va bien, comme ci, comme ça, pas mal et vous-même, la petite famille très bien, merci beaucoup, et puis ils en arrivent à la conversation proprement dite :
PREMIER VIEUX VIEILLARD
Très, très content de vous voir…
SECOND VIEUX VIEILLARD
Moi de même, et votre fils toujours aux colonies, comment va-t-il et que fait-il, combien gagne-t-il, de quoi trafique-t-il, bois précieux, noix de coco, bois des Des?
PREMIER VIEUX VIEILLARD (très fier)
Non, les girafes !
SECOND VIEUX VIEILLARD
Ah ! parfait, très bien, très bien, les girafes (il tate l’étoffe du pardessus). Eh ! Eh ! c’est de la girafe de première qualité, votre fils fait bien les choses…
A cet instant, deux girafes traversent lentement et sans rien dire la place de la Muette et les deux vieillards font semblant de ne pas les reconnaître, surtout le vieillard au pardessus ; U est horriblement gêné et pour se faire bien voir des girafes, il chante leurs louanges, et l’autre vieillard chante avec lui :
CHŒUR DES DEUX VIEILLARDS
Ah ! le temps des girafes
C’était le bon vieux temps !
Dans une petite mansarde
Avec une grande girafe
Qu’on eJt heureux à vingt ans (bis) !
(Refrain)
Mais il reviendra le temps des girafes…
A l’instant même où les deux vieillards annoncent que le temps des girafes va revenir, les deux girafes s’en vont en haussant les épaules.
TROISIÈME TABLEAU (Aux colonies)
Le fils du vieux vieillard se promène avec un de ses amis, ils ont chacun un fusil.
Le fils qui regardait en l’air aperçoit la tête d’une girafe, baisse le regard et voyant la girafe tout entière entre dans une grande colère.
LE FILS
Sortez du monde, girafe. Sortez, je vous chasse !
Il vise, il tire, la girafe tombe, il met le pied dessus, son ami le photographie… Soudain le fils pâlit : « Quelle mouche vous pique ? » lui dit son ami.
LE FTLS
Je ne sais pas…
Il lâche son fusil, tombe sur la girafe et s’endort pour un certain nombre d’années ; la mouche qui l’a piqué est une mauvaise mouche, c’est la mouche tsé-tsé…
L’ami le voit, comprend, s’enfuit et la grosse mouche mauvaise le poursuit…
La girafe est tombée, l’homme est tombé aussi, la nuit tombe à son tour et la lune éclaire la nuit…
Le fils est endormi, on dirait qu’il est mort, la girafe est morte, on dirait qu’elle dort.