Volets ouverts volets fermés
Volets ouverts
carreaux cassés ensoleillés
paroles données promesses échangées
une voix qui se voilait soudain s’est dévoilée
l’autre voix qu’elle caresse connaît ses doux secrets
Volets ouverts
Fou rire d’une école tout entière éclatant au coin d’une rue
merveilleux cris du ramoneur depuis si longtemps disparu
Volets fermés
toiles à laver usées
rampes d’escaliers à la boule brisée
Volets ouverts punaises oubliées
Volets fermés
le papillon du gaz recommence à siffler
son refrain bleu et blême
et toute la cuisine tremble
de toutes les cicatrices de ses murs de crasse
Volets ouverts
des lilas plein les bras
et brune et blonde et rousse
une chanson pieds nus traverse la maison
comme elle a par ailleurs
traversé les saisons
Volets ouverts on l’entend de partout c’est l’air de tout le temps une voix de cristal dans un palais de sang
Volets ouverts
la maison se réveille
au gTand air du
Printemps
Et la plus belle eau de vaisselle
sur le plus sordide des éviers
soudain comme une eau vive
se reprend à chanter
et se met à danser
sur les assiettes ébréchées les fourchettes édentéee
Musique de blanc de céruse et de marc de café
et de bleu de lessive
et de noir de fumée
et de noir animal
et d’appétit coupé
Musique de petite braise à nouveau enflammée
Musique de gros sel et d’écorces d’oranges
Un rempailleur de chaises
dans une flûte à
Champagne rescapée d’une poubelle
siffle un grand air de rouge
et c’est un air des
Iles
Fortunées
Volets ouverts
Sorcière la poussière
voltige sur son manche à balai
Volets ouverts
la concierge de sa loge
la regarde voltiger
Volets ouverts
au garde-fou du rêve le soleil s’est penché
Verrous ouverts et refermés
Main chaude de l’amour le long des reins de l’ombre quelqu’un dans une chambre doucement a murmuré
Sa main sur mon épaule
c’est tout le sel de la lune
sur la queue du plus heureux des oiseaux
Je ne veux plus partir
je ne veux plus voler
Tourne le dos soleil
et persienne ferme-toi
Toute sa lumière nue
toute sa lumière à elle
sur son lit brille pour moi
Volets ouverts et puis fermés
Amants aimant et amoureux aimés
Volets ouverts et puis fermés
La clef des songes est sous le paillasson
un petit dieu bien propre
surnommé
Cupidon
fait le garçon d’hôtel et l’agent de liaison
Volets ouverts et fermés
au rosier noir dӃros
une rose a frissonné
la branche où elle rêvait en deux vient de se casser
Où est-elle la rose est-elle encore sur l’arbre ou bien sur le carreau
Elle-même ne le sait
son parfum s’est enfui déjà
dans l’air du temps
qui entend son refrain perdu et lancinant
Volets ouverts et fermés
Deux amants séparés leur couple à peine formé
Volets claquant dans le vent
Pourtant
ils s’entendaient si bien ensemble
chacun parlant tout seul
se taisant tous les deux
Mais un jour il a dit
un mot plus haut que l’autre
Toute sa voix a boité
et elle a répondu
amèrement à cloche-pied
Hélas
ils parlaient la même langue
sans jamais s’en être doutés
et ils se sont battus
ils se sont expliqués
Volets fermés volets fermés
L’explication fut longue
la bataille de courte durée
et ils se sont quittés
Chacun d’eux était fait pour s’entendre
mais aucun pour écouter l’autre
Tous deux avaient appris dans les mêmes livres les merveilles qu’ils disaient et comme c’étaient les mêmes merveilles aucun des deux n’était émerveillé
Volets ouverts volets fermés
Sur le carrelage de la cuisine la voix de cristal s’est brisée le papillon du gaz recommence à siffler les chiens près des poubelles s’installent pour souper.