À Lamartine
Le temps heureux n’est plus où rayonnait la Grèce,
Où Périclès vivait, étoile du plein jour !
Où les peuples, ardents de force et de jeunesse,
Voyant un Dieu partout, sentaient partout l’amour !
Le temps, le temps est mort des couronnes civiques,
Où l’on n’oubliait plus le poète vainqueur !
Il est bien mort, ce temps des vieilles républiques
Qui payaient largement les cœurs avec le cœur !
L’orgie en ses festins n’a même plus de roses !
Les âmes sont de cire, et les fleurs de métal ;
Des dieux et de l’amour il nous reste deux choses :
La pâle indifférence et le désir brutal !
Les jeunes d’aujourd’hui vaudraient-ils ceux d’Athènes ?
Eux qu’on voit, dédaigneux du juste en cheveux blancs,
Récolter ces moissons hâtives de leurs graines :
Des nouveau-nés déjà blêmes et tout tremblants !
D’autres l’ont dit : plus rien ne bat dans les poitrines !
Et s’il est quelque part, triste, sur les sommets,
Un héros de jadis, meurtri de nos ruines,
Et tel que notre temps n’en verra plus jamais !
S’il reste un grand poète et s’il reste un grand homme,
Ô miracle ! si grand qu’en un dernier effort,
La foule, par hasard, s’en souvienne et le nomme,
Un dormeur, réveillé, l’insulte, et se rendort !
Ah ! comme il faut vouloir, pour garder l’espérance !…
Père, des bruits confus sont venus jusqu’à moi ;
On a cru t’émouvoir et troubler ton silence,
Mais, te sachant trop haut, j’ai répondu pour toi.