À Virgile
Ô précurseur naïf et doux de l’Évangile,
Poète aimant, vieux maître immortel, ô Virgile,
J’étais encore enfant quand sous le ciel du Nord
J’ai respiré la brume et les brouillards de mort ;
L’école m’enfermait, triste comme une cage,
Et, dans mon jeune exil, fiévreux et sans courage,
Ouvrant tout grands mes yeux, étonné de souffrir,
D’un regret du soleil je me sentis mourir.
Pourtant dès qu’on eut mis entre mes mains ton livre,
Consolé pour un jour, je me pris à revivre
Car j’avais reconnu le natal horizon,
Les figuiers décorant le seuil de la maison,
L’ail odorant broyé pour nos tables frugales,
Les pins au grand soleil résonnant de cigales,
Les raisins mûrs, les fruits dorés de l’oranger,
Le vif chevreau que suit du regard le berger !
Couché dans l’antre frais d’où sa paresse veille,
Et le bourdonnement endormeur de l’abeille,
Et la flûte du pâtre apprenant à nos bois
A redire le nom qui tremble dans sa voix.
Tout le jour, jusqu’à l’heure où du haut des montagnes
L’ombre tombant plus longue envahit les campagnes,
Son chant très-simple fait du ramage des eaux,
De la plainte du vent traversant les roseaux,
D’un bruit de papillons voltigeant sur des roses,
Évoque le sourire et les larmes des choses.
Alors, je souriais, ô grand poète ami,
Comme un enfant, bercé par sa mère, endormi,
La joue humide encore d’un chagrin qui s’achève,
Sourit de la chanson qui fait naître un beau rêve !