Les canisses
Lorsque j’étais enfant surtout, j’aimais ce coin
Où sur leurs pieux rugueux on étale (non loin
De la bastide, afin d’y veiller sans fatigue)
La claie aux roseaux drus où doit sécher la figue.
Les pieux sont reliés de traverses entre eux
Qui supportent la claie où les fruits savoureux
Pleurent leur miel sucré, transparent comme l’ambre.
Les vendangeurs, là-bas, chantent le doux septembre.
La figue sur la claie, où la chaleur du ciel
Lentement cristallise et fait perler son miel,
Durcit, et ce soleil ardent qui la pénètre
Doit la faire durer plusieurs hivers peut-être.
Entassée et mêlée aux brins du « baguier » vert,
Elle verra Noël où triomphe au dessert,
Parmi les raisins secs, la figue marseillaise.
Cependant, sous l’éclat du rayon qui les baise,
Les « canisses », penchant du côté du midi,
Attirent le frelon paresseux et hardi,
Et la mouche d’azur aux reflets d’émeraude
Et l’abeille sacrée, insectes en maraude
Qui s’invitent aux fruits qu’offrent ces tables d’or.
Tout autour l’air léger vibre de leur essor
Et murmure, frappé de mille ailes de gaze.
Les uns se sont posés sur les fruits, en extase,
Et leurs quatre ailerons frémissent de plaisir ;
D’autres dansent en cercle, et l’on croirait ouïr
Un ballet de lutins, en plein jour fantastique,
Où comme un galoubet bruit le fin moustique,
Et comme un tambourin le gros bourdon vermeil,
Orchestre qui se tait au coucher du soleil.