Les oreilles du lièvre

Jean de La Fontaine
par Jean de La Fontaine
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Un animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui plein de courroux,
Pour ne plus tomber en la peine,
Bannit des lieux de son domaine
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, béliers, taureaux aussitôt délogèrent ;
Daims et cerfs de climat changèrent :
Chacun à s’en aller fut prompt.
Un lièvre, apercevant l’ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur
N’allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
« Adieu, voisin grillon, dit-il ; je pars d’ici :
Mes oreilles enfin seraient cornes aussi ;
Et quand je tes aurais plus courtes qu’une autruche,
Je craindrais même encor. » Le grillon repartit :
« Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche ;
Ce sont oreilles que Dieu fit.
– On les fera passer pour cornes,
Dit l’animal craintif, et cornes de licornes.
J’aurai beau protester; mon dire et mes raisons
Iront aux Petites-Maisons. »

Jean de La Fontaine

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