Mon Dieu, que je voudrais que ma main fût oisive
Mon Dieu, que je voudrais que ma main fût oisive,
Que ma bouche et mes yeux reprissent leur devoir !
Écrire est peu : c’est plus de parler et de voir,
De ces deux oeuvres l’une est morte et l’autre vive.
Quelque beau trait d’amour que notre main écrive,
Ce sont témoins muets qui n’ont pas le pouvoir
Ni le semblable poids, que l’oeil pourrait avoir
Et de nos vives voix la vertu plus naïve.
Mais quoi ! n’étaient encor ces faibles étançons
Et ces fruits mirongés dont nous le nourrissons,
L’Amour mourrait de faim et cherrait en ruine :
Écrivons, attendant de plus fermes plaisirs,
Et si le temps domine encor sur nos désirs,
Faisons que sur le temps la constance domine.