De Fontainebleau
Par les sablons, par les roches désertes,
Dont les os durs ces châteaux ont murés,
Par les hautes étables vertes
Des cerfs, du vilain assurés,
Maigre, ennuyé, lassé, me repromène,
Chargé du soin qu’à nos Dieppois je doi,
Mais, surtout, me poise la peine
D’être, Sibille, loin de toi.
Ni les jardins, ni la fontaine vive,
Nommant ce lieu du nom de sa belle eau,
Ni l’étang, ni sa fraîche rive,
Ni des pavillons le plus beau,
Ni les couleurs des longues galeries,
Qui, la voix près, montrent un monde vif,
Ni les riches tapisseries,
Ni bronze, ni marbre naïf,
A eux mon oeil tellement ne ravissent
Qu’à toi toujours ne soupire mon coeur
Ainsi à chaque pas rafraîchissent
Les mémoires de ma langueur.
Soir et matin, que ces bois je trépasse,
O Nymphes, dis je, et Satyres pelus
Qui ci dans mainte fosse basse
Couplez vos amours dissolus,
Pussé je au moins, main en main, sous cette ombre,
Quelques cent pas avec ma dame aller.
Pussions nous bouche à bouche, un nombre,
D’honnêtes paroles mêler.
Voyant bondir ces sources éternelles
Du roc moussu, qui pas ne semble feint,
Ah ! dis je alors combien de telles
Ce mien feu n’auraient pas éteint !
Voyant partout la devise royale,
Cet’ Salamandre au feu se nourrissant,
Je pense à la flamme loyale
Seule, ta merci me paissant.
En bronze ai vu l’Égyptienne dame
Antique pièce, et parlai en ce point
Ce serpent, Reine, au bras t’entame,
Et Cupidon au coeur me point ;
Bref, visitant tailles, bosses, peintures,
Quelconque point m’en aille regardant,
Amour vient en mille figures
Nouvelles flèches me dardant.
Mais plus que tout, ces Sibilles m’affollent,
Peintes partout pour leur divin renom
Désirant que mes vers t’enrôlent
L’onzième de ce sacré nom.