Quand je vois ma Lucresselette
Quand je vois ma Lucresselette,
Plus mignarde qu’une perlette,
Plus belle qu’un jour gracieux,
Je pense voir une prairie,
La plus belle qui soit fleurie
Dessous le grand manteau des cieux.
Son front qui mon tourment allège,
Et qui est plus blanc que la neige,
Semble être composé de lis,
De lis sont faites ses mains blanches,
Son col, ses bras, ses pieds, ses hanches,
Et ses autres membres polis.
Ses blonds cheveux dont les ondées
Sont deçà et delà guidées
Sur l’haleine d’un petit vent,
Font honte à la fleur de Clytie,
Lorsque sa robe elle déplie
Au Soleil qu’elle va suivant.
Quand sur son sein mon oeil je darde,
Et quand son beau sein je regarde,
Et la fraise de son téton,
Tout aussitôt je l’accompare.
A quelque rose la plus rare
Qui n’est encore qu’en bouton…
Sa belle lèvre couraline,
Sa belle lèvre cristalline,
Qu’on peut rouge et blanche appeler,
Est une marguerite franche
Qui fait, tant elle est rose et blanche,
Les regardants émerveiller…
Pour elle, je verse une pluie
Que jamais elle ne m’essuie,
Car toujours je jette des pleurs
Comme une Niobe insensée.
Ha ! C’est qu’elle aime la rosée,
Puisqu’elle est faite ainsi de fleurs.