La Dormeuse
Puisqu’elle dort,
dans la forêt de ses cheveux
nous démêlons feuilles et lianes
ailes et griffes, fruit et poison,
nous démêlons les lourdes mèches de la mort.
Dans la forêt,
passent le cerf, le renard et la biche
et passe le veneur,
le brutal vêtu d’orgueil,
ganté de sang.
Nous démêlons, nous démêlons
les mèches dans la douleur.
Et la dormeuse, l’errante,
poursuit un rêve de sang.
Est-ce bien le cerf qui brame au loin
ou bien le cor:
la voix de l’ogre?
Avant la nuit,
dans la douleur et le désir
nous démêlons.
Belle est pourtant la sombre chevelure
où le jour et la nuit, bouche à bouche mêlés,
s’étreignent et se mordent.
Jean Joubert .Etat d’urgence(Editions Editinter)
La voix s’est éveillée,
La voix s’est éveillée
sur la bouche du pauvre
et de ses lèvres c’est
un oiseau qui jaillit,
éclate, enchante l’air.
Ah, dit l’homme, pourquoi soudain
cette fureur de dire
et de louer ?
D’où me vient ce présent de plume
-soleil !-
dans l’indigence de ma race?
et cette grâce enfin de célébrer
l’or et la gloire du matin?
Que de ma voix mortelle,
moi, l’obscur, le messager,
humblement je bâtisse
l’arche de la parole!
Extrait de: 2001, Arche à parole, (Le Cherche-Midi Editeur)