Phaetons en chrétienté
Ce n’est pas chose très rare Le camion bleu du lait roule Dans la craie du ciel et moi Au fond d’une épicerie A murs de miel et carie Du sucre aux fanons de bois Jaune des chevrons derrière L’empoix solaire aux dentelles D’ombelles du carreau vert Simplement je le regarde Gravir la côte du temps Je l’écoute ébranler dans Le tunnel d’été à grandes Salves de cloches laitières La porte fraîche où les bardes D’acier de midi s’éclairent Déjà se rompent au tendre Souffle du jour et le crois Sentir en moi dévaler Au creux du pays sans croix De mon âme d’ombre et d’eau C’est Dieu qui s’en est allé Hier par l’autocar du Haut Plessis c’était lui ce grave Pèlerin sur la banquette
De gazon déchiré dans
Le coin arrière droit proche
Autant qu’il est possible et
Décent du grand jupon blanc
Des vitres au vent sans tête
Ni queue de la vitesse Ave
Deus incognite poches
Pleines d’épis de blé !
Aurais-je dû lui redire
Et ne me donnerez-vous
Pas quelque chose de vous
Un doigt de sang un sourire
Un tenon de pain brûlé
Moi toujours si reculé
Des routes du bonheur pauvre
Et marchant à pied grand faim
Grand soif en cette mauve
Mortaise du cœur sans fin ?
Mais je ne peux rien faire autre
Que lui remettre ma main
Par-dessus les fleurs très hautes
Et voici que l’autocar
A fui prompt plus qu’on veut croire
Il y a aussi l’auto
Violette roulant tôt
Dans le village et si vite
Conduite par une fille
A lèvres d’argent cuprite
Et cheveux d’or en résille
Clara pose alors ses doigts
Sur mes yeux pour que je voie
Lune jeune sang plutôt
Qu’astre de précoce automne Je comprends je ne m’étonne Plus de rien je ris tantôt Et tantôt pleure d’amour C’est Clara comme le jour Comme la nuit qui revient Sur moi couché dans les pierres Comme un sanglot de lumière Dans la gorge du chemin.