Vieilles legendes
Je suis en train d’oublier mon village Et je crois que mon village m’oublie Ce ne sont plus que de vieux souvenirs Comme vieilles légendes d’un vieil âge
Et celui-là qui se pendit au ciel Parmi les seringas le cri des mondes Cette femme chantante son cheval Qui lui rua dessus pour mort profonde
Cornemouille et Cruchot les beaux voyages Le vin noir sous la lune les chansons Tous les morts tous les morts maintenant sont Comme les mal vivants du paysage
Et pourtant j’imagine qu’un chemin Perce encore la neige des étoiles Atteignant en plein cœur l’air matinal Qui secoue ses cendres sur mon jardin
Peut-être un peu plus tard dans le matin
S’accroche-t-il à la corne de craie
De la chapelle avec le ruban fin
Du soleil rouge un grelot d’oiseaux clairs ?
J’entends courir et crier les enfants Sous les longs nuages du temps figé Puis revenir et sous la lampe lente Ouvrir des pages d’étés imagés
Mais là-bas la forêt demeure sombre Toujours existe et contient tant et tant De silence d’ombre d’oubli que l’an Sous sa menace se lève retombe
O comme respire alors dans le jour
Le vent bleu qui cherche aux branches les feuilles
On dirait un grand hibou tout à court
Du souffle dont s’embueront dans les arbres
A la nuit les planètes avec l’œil Verdâtre de la bête au cœur macabre Ô comme épie le gel ces vives eaux L’âme comme ces eaux tinte bientôt
Et quand les coqs chantèrent je partis Et les vaches meuglaient dans les prairies Et les chiens jappaient lorsque je partis Quand pleurèrent les chevaux et les pies
Fumées en moi montez vers mon sourire Depuis ces trente maisons tout en bas Que de là-haut je bénis et respire Comme un parfum de rose ou de lilas
Mais qui encore évoque mon visage Et sur la vitre blanchement fleurie Soulève le velours des nuits sans âge Et de la terre au ciel froid me sourit ?