Déserts Plissés
Quand nous aurons déjoué les pièges rassurants
les apparences paisibles nous connaîtrons le sens de tout le
Strié le
Pointillé le
Déchiré ce qui commence à ouvrir la paupière et ce qui
est à demi effacé le calme qui fait peur le mouvement fou
qui s’accélère.
Nous saurons que le mort est un grand oiseau triste en forme de feuille et quel drôle de petit troll gambade dans
le vide si on pense à autre chose.
Nous serons les familiers du parallélépipède
en faux col de la table à tête de corbeau du
Kobold et de la
Bretonne qui font rouler la terre un train d’enfer en sautant dessus comme sur un tonneau de la dame noire en tronçons, du serpent
mondain aux pattes molles des
Messieurs allumettes joueurs de castagnettes de l’œuf enragé qui bondit sur le lézard mort du vrai fouillis de je ne sais quoi qui est là pour confondre tout le monde
dans la conversation de la patronne prétentieuse en chignon qui
charme un grand cerceau de cirque de l’oiseau toujours l’oiseau des poutres
le bec et l’ongle prêts au bord
du gouffre incertain je veux
dire mesquin je veux dire
malin effrayant et risible
c’est tout un.
Voilà pourquoi les lacets de mes souliers dansent la bourrée d’Auvergne (le second fonce de la tête comme un marlou).
Voilà pourquoi j’apprivoise une tapisserie-hibou à deux têtes
un quidam végétal, manchot et drapé, qui se fâche
un utérus qui fait le poisson
le grand
Comique de la géométrie linéaire (il en a un œil le petit triangle !)
le vrombissement du mollusque qui survole le désert plissé de l’empreinte digitale.
Voilà pourquoi en frottant mes rêves sur
le réel rugueux j’ai su qu’il y a du clownesque dans
l’inquiétant, une bêtise des
monstres, une perfidie de
l’obtus.
Tout ce joli monde apparaît dans les
interstices et me montre
du doigt en pouffant quand je me réveille avec des sueurs
froides dans la nuit la plus transparente.
Mais moi la main dans la main avec la
menace et le danger, je dompte l’inconnu qui est partout
c’est à mon tour de rire et de provoquer l’impuisable
Surprise l’ennemi se replie en désordre je respire
un nouvel espace plus vaste et plus solitaire que l’autre.
Jean Tardieu