Heureux celui qui peut longtemps suivre la guerre
Sonnet XCIV.
Heureux celui qui peut longtemps suivre la guerre
Sans mort, ou sans blessure, ou sans longue prison !
Heureux qui longuement vit hors de sa maison
Sans dépendre son bien ou sans vendre sa terre !
Heureux qui peut en cour quelque faveur acquerre
Sans crainte de l’envie ou de quelque trahison !
Heureux qui peut longtemps sans danger de poison
Jouir d’un chapeau rouge ou des clefs de saint Pierre !
Heureux qui sans péril peut la mer fréquenter !
Heureux qui sans procès le palais peut hanter !
Heureux qui peut sans mal vivre l’âge d’un homme !
Heureux qui sans souci peut garder son trésor,
Sa femme sans soupçon, et plus heureux encore
Qui a pu sans peler vivre trois ans à Rome !