Ô Déesse qui peut aux princes égaler
Sonnet XCVI.
Ô Déesse, qui peut aux princes égaler
Un pauvre mendiant qui n’a que la parole,
Et qui peut d’un grand roi faire un maître d’école,
S’il te plaît de son lieu le faire dévaler :
Je ne te prie pas de me faire enrôler
Au rang de ces messieurs que la faveur accole,
Que l’on parle de moi, et que mon renom vole
De l’aile dont tu fais ces grands princes voler :
Je ne demande pas mille et mille autres choses
Qui dessous ton pouvoir sont largement encloses,
Aussi je n’eus jamais de tant de biens soucis.
Je demande sans plus que le mien on ne mange,
Et que j’aie bientôt une lettre de change,
Pour n’aller sur le buffle au départir d’ici.
Un commentaire
Arbres des jardins
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Je vous ai traversés, jardins inégalés,
Des feuilles j’entendais les muettes paroles ;
Assez simple est leur style, elles n’ont pas d’école,
On ne les voit jamais leur culture étaler,
Ni dans les Facultés en thèse s’enrôler.
Ni, pour passer le temps, forger d’obscurs symboles.
Ces feuilles sans lourdeur qui dans le vent s’envolent
Sentent venir l’hiver, sans pourtant s’affoler.
Dans ces jardins, j’appris mille charmantes choses
En observant les fleurs qui s’y trouvent encloses,
Y compris la pensée, y compris le souci.
Cet endroit qu’en hiver le vent trouble et dérange,
Mon esprit l’aime tel que les saisons le changent,
Mesurant le bonheur que j’ai de vivre ici.