Bordighiera

Joseph Autran
par Joseph Autran
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Humbles toits, rassemblés au flanc de la colline
Que ceignent les palmiers ;
Tuiles au rouge émail qu’un vieux clocher domine.
Hanté par les ramiers ;

Des portes où la vigne arrondit son treillage,
Et, devant les maisons,
Des barques de pêcheurs, qu’on retire à la plage
Aux ingrates saisons ;

Sur les bois, sur les eaux, je ne sais quel sourire
Qui descend d’un ciel clair ;
Je ne sais quelle paix qu’à toute heure on respire
Dans la douceur de l’air…

C’est là que j’ai fixé ma course vagabonde,
Aisément oublieux
De Rome et de Paris, de toute chose au monde,
Hormis de tes beaux yeux !

D’un loisir varié, maritime ou champêtre,
Jouissant à mon choix,
Je vais passer ici la semaine, peut-être…
Peut-être aussi le mois.

La maison que j’habite, indigente chaumière
Qui se tient à l’écart,
Brode pourtant son mur d’une frise de pierre
Ciselée avec art.

Un lierre envahisseur, touffu, maille par maille
Grimpant et s’accrochant,
A si bien fait que l’œil ne voit plus la muraille
Qui fait face au couchant.

Un oiseau familier chante sous la toiture ;
Il mêle, heureux bouvreuil,
Sa voix au bruit des flots, qui de notre clôture
Viennent blanchir le seuil.

J’ai pour hôte un pêcheur, à la mer toujours brave
Quoique vieux entre tous,
Pour hôtesse une veuve au maintien noble et grave,
Au parler rare et doux.

Tout le jour, à travers la maison solitaire,
Elle rôde sans bruit,
Veillant encore, parfois, près de sa lampe austère,
Une part de la huit.

Quand, ses fuseaux en main, je la vois à sa porte,
Debout sur les degrés,
Telle autrefois, me dis-je, était la femme forte
Des poètes sacrés !

A midi, sur ma table elle pose, attentive,
L’œuf du jour, frais éclos,
Du lait, quelques fruits mûrs, qu’elle-même cultive
En son modeste enclos.

Là, croissent à cette heure, auprès d’une eau courante
Qui fuit dans le gravier,
Œillet, pervenche et rose, à l’ombre transparente
D’un antique olivier.

Ce matin, j’y cueillais, du bord de ma fenêtre,
Des feuilles de jasmin,
Souvenir odorant, qui, d’un pli de ma lettre,
Glissera dans ta main.

Que ne peut le zéphyr chargé de ce message
Te porter à la fois
Les plus fraîches senteurs de ce divin rivage
Et ses plus douces voix !

Joseph Autran

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