Le rêve qu’ils font tous
« Presque un siècle entier sans courber ma tête
A passé sur moi, vrai lion marin.
Il faudrait pourtant prendre sa retraite,
Et chercher à terre un abri serein !
Quand on a lassé, rude capitaine.
Les vents et les flots, la glace et le feu,
Aux biens que promet la terre lointaine
N’a-t-on pas le droit de songer un peu ?
Heureux le vieillard qu’enfin Dieu délivre
De ton joug si dur, métier oppresseur !
Au pays natal, que ne puis-je vivre,
D’une vigne ou deux oisif possesseur !
Loin, bien loin de toi, bourrasque éternelle,
Loin de cette arène aux maux sans pareils,
Quand serai-je assis sous une tonnelle,
Savourant en paix mes derniers soleils ? »
Il eut ces loisirs que l’âge conseille,
Il eut sa cabane et son vert enclos,
Et d’anciens amis causant sous la treille :
— Ah ! Je meurs, dit-il, rendez-moi les flots !